Les rhinites allergiques vues par les ostéopathes
Le nez bouché quelques jours, durant un rhume, tout le monde connaît, mais le nez bouché en permanence pendant plusieurs mois ou toute l'année, c'est déjà plus ennuyeux.
Or, toute rhinite, d'abord intermittente et saisonnière, a tendance à devenir permanente.
De nombreuses enquêtes sur la qualité de vie ont montré que la vie quotidienne des patients atteints de rhinites allergiques chroniques est davantage détériorée que celle des asthmatiques.
Le terme rhinite allergique est un terme générique qui regroupe les rhinites saisonnières (ou périodiques) et les rhinites apériodiques.
« Allergie » vient étymologiquement du grec « allos » : autre et « ergos » : réaction.
On l'oppose à la réaction normale du système immunitaire au cours de laquelle les particules étrangères à l'organisme sont détruites sans conséquences indésirables pour le patient.
Le système immunitaire de l'allergique, et dans le cas présent atteints de rhinite allergique, va perdre le contrôle de sa réponse et ce pour des substances habituellement bénignes telles que les pollens et les poussières.
Une libération massive de substances inflammatoires (histamine, leucotriènes, prostaglandines) a alors lieu dans les fosses nasales et entraîne rhinorrhées, éternuements et obstructions nasales.
La rhinite allergique est connue depuis le milieu du XIXème siècle.
A l'époque, seulement 300 cas étaient répertoriés dans toute l'Europe.
Selon MOLINA (1995) [15], la rhinite allergique n'a depuis cessé de croître et touche actuellement près de 12 millions de Français.
Toutes les populations à travers le monde sont touchées par cette affection et particulièrement celles des pays industrialisés.
Faut-il voir en cela un lien de cause à effet ?
Les récentes études semblent montrer que le nombre de personnes allergiques dans un pays est proportionnel au degré de médicalisation de ce pays.
En effet, la surconsommation d'antibiotiques entraînerait un déficit de lymphocytes TH1 associé à une augmentation de lymphocytes TH2 qui serait à l'origine de ce phénomène.
On ne peut tirer aucune conclusion de cette proposition mais elle nous permet d'introduire la notion d'allergie croisée qui explique la difficulté à isoler le facteur causal ou déclenchant de l'étiologie.
Ainsi, a-t-on pu démontrer récemment qu'un des éléments déclenchant des bronchiolites de l'enfant était les suies de fioul (échappement automobile, chauffage urbain) et que la toxicité de ces particules imbrûlées ait considérablement augmentée lorsqu'elles sont associées à des allergènes très courant tels que les pollens.
Dans les pays industrialisés, les dépenses consacrées au secteur des allergies sont considérables.
Ces troubles, habituellement sans conséquence graves, sont donc à prendre en compte autant pour des raisons financières que pour des raisons individuelles.
Ces pathologies et les rhinites allergiques que nous étudions ici plus particulièrement peuvent en effet avoir des répercutions non négligeables sur la vie professionnelle, familiale ou intime des patients qui en souffrent.
La médecine actuelle propose à ses patients de nombreux traitements : les anti-médiateurs, les cromones, les corticoïdes etc.
Ils sont en général très efficaces lors de crises aigües mais ont peu d'effet sur la chronicité.
Il reste alors aux patients peu de solutions si ce n'est celles des médecines alternatives.
Dans la littérature ostéopathique française, peu d'ouvrages sont consacrés aux rhinites allergiques. Toutefois, dans son ouvrage intitulé « Traitement ostéopathique des rhinites et sinusites chroniques », BOCHURBERG (1986) [2] évoque le sujet mais écarte volontairement de son exposé une approche globale.
De même, dans le domaine de la recherche ostéopathique, les mémoires sur le sujet des rhinites foisonnent mais aucun n'étudie spécifiquement les rhinites de causes allergiques. Il nous a donc paru intéressant de réaliser une étude expérimentale évaluant l'efficacité d'un traitement ostéopathique global.
Nous allons nous attacher à démontrer que le drainage de la muqueuse des fosses nasales, l'harmonisation du rachis cervical, une technique d'inhibition du ganglion sphéno-palatin, le traitement du diaphragme thoracique supérieur dans son approche artérielle veineuse nerveuse, le traitement viscéral global et enfin une approche crânio-sacrée appliquée à cette pathologie, complète éventuellement un traitement médical avec des conséquences bénéfiques mesurables et reproductibles sur les symptômes et confort de vie des patients.
Cela nous amène à soulever la problématique suivante : la méconnaissance trop fréquente des « lésions ostéopathiques » causant de nombreux troubles de santé justifie un bilan ostéopathique approfondie.
Face à ces réalités, des questions clés se posent : l'ostéopathie peut-elle et doit-elle jouer un rôle dans les allergies
Tentons maintenant d'établir les hypothèses de travail relatives à cette problématique.
La médecine moderne n'arrive à aucune solution permanente pour enrayer l'incidence toujours croissante de la rhinite allergique.
Les causes ne sont toujours pas identifiées, elles ne sont encore qu'à l'état d'hypothèses.
Parmi celles-ci, les plus partagées chez les auteurs sont : l'inefficacité et l'hypersensibilité des muqueuses nasales, le facteur génétique… Selon FLADE (1996) [6], cela est due à une incapacité de la flore bactérienne alors que pour GESRET (1996a) [8], auteur de recherches sur les allergies de l'académie nationale de médecine de Paris, la principale cause des allergies est liée à un dérèglement du système nerveux autonome.
Suite à nos différentes recherches, nous avons élaboré quatre hypothèses de travail.
Première hypothèse
Elle concerne les muqueuses nasales, première barrière naturelle que l'allergène rencontre.
Si celles-ci sont libres de toute contrainte, elles devraient simplement évacuer les substances étrangères sans provoquer de réaction immunitaire.
Au contraire, si les muqueuses sont privées d'une vascularisation et d'une innervation adéquates et qu'elles sont limitées dans leur mobilité, on ne peut s'attendre à ce qu'elles accomplissent leurs fonctions inadéquatement.
De là, nous pouvons imaginer qu'une réponse inappropriée du système immunitaire sera déclenchée.
D'après MAGOUN (2004) [14], le travail dentaire prolongé, les extractions dentaires, le travail d'orthodontie ainsi que tous les traumatismes directs au visage doivent être pris en considération dans toutes les dysfonctions affectant la sphère crânienne.
Seconde hypothèse
Elle concerne la génétique.
La plupart des études concernant les maladies allergiques s'entendent pour admettre le rôle du facteur de la génétique, c'est notamment la théorie mise en avant dans la revue Châtelaine où un dossier spécial est consacré aux allergies.
Chez les enfants dont l'un des parents souffre de rhinites allergiques, le risque de souffrir de cette maladie est d'environ 30%.
Si les deux parents sont atteints, le risque grimpe alors à 50%, avec un risque doublé chez les garçons.
En revanche, l'allergologue Jacques HEBERT du Centre Hospitalier Universitaire du Québec interrogé à ce sujet dans la revue Châtelaine croit qu'il est impossible que la génétique ait changé en si peu de temps.
Il estime que les causes se trouvent dans notre mode de vie, pensant entre autres, à tous les irritants chimiques présents dans l'environnement, au contact plus intime avec nos animaux de compagnie et à notre besoin d'embellir notre environnement avec une variété grandissante de fleurs et de plantes.
Troisième hypothèse
Elle fait état de la flore bactérienne.
Nos habitudes de vie ayant radicalement changé depuis quelques années, le milieu intestinal est détérioré par tous les produits chimiques que nous avalons tels les fertilisants, les pesticides, les OGM, les hormones et les antibiotiques administrés aux animaux.
De plus, nous surchargeons notre intestin qui entrainera à la longue une irritation chronique de la muqueuse intestinale avec des états inflammatoires, ce qui nuira et perturbera au final la flore intestinale.
Les bactéries qui tapissent notre intestin ont un rôle essentiel dans la digestion des fibres végétales et la synthèse de certaines vitamines.
Indirectement, ces bactéries entraînent le tissu lymphatique dans la paroi intestinale et contribuent ainsi à la protection de l'organisme contre les germes pathogènes.
Un autre élément pouvant influencer la flore intestinale est l'obsession d'une hygiène excessive de notre environnement par l'utilisation de produits antibactériens de plus en plus puissants. Le système immunitaire nécessite un contact intime avec les bactéries pour mener à bien son développement.
En évitant aux nourrissons et aux enfants d'avoir un contact avec les bactéries environnantes, nous privons la flore d'une diversité de colonies, entraînant ainsi une incapacité à reconnaître les vrais antigènes, ce qui prédisposera l'enfant à une réponse immunitaire inappropriée et excessive.
Quatrième hypothèse
Relative à la structure-fonction, cette quatrième hypothèse a été soulevée par certains auteurs reconnus tels que MAGOUN (2004) [14], GUYTON (1974) [10] ainsi que le chercheur Jacques GESRET (1996a) [8].
Ces derniers pensent qu'un dérèglement du système nerveux autonome influencerait la chaîne ganglionnaire sympathique, principalement au niveau des structures cervicales et que cette dysfonction jouerait à terme sur la qualité et le trophisme des muqueuses.
MAGOUN (2004) [14] croit quant à lui principalement à l'importance de l'équilibre des os du visage tels que le sphénoïde, l'ethmoïde, les palatins, les maxillaires supérieurs, les malaires et par le fait même le ganglion sphéno-palatin.
L'influence réciproque de ces structures est ainsi responsable de l'autorégulation nerveuse et vasculaire de la région crânienne.
Pour Jacques GESRET (1996b) [9], l'une des origines potentielles des intolérances aux agressions extérieures proviendrait de la première et de la deuxième vertèbre cervicale ainsi que des deux premières vertèbres thoraciques incluant leurs côtes.
L'atteinte de ces étages implique une répercussion sur les ganglions cervicaux supérieurs et inférieurs, responsables du dérèglement du système nerveux autonome par les voies afférentes sympathiques vers le ganglion sphéno-palatin.
C'est de ces régions que partent toutes les fibres vasodilatatrices et sécrétrices qui innervent les muqueuses nasales et les glandes lacrymales ; ce sont en fait les lésions cervicales qui pourraient être gênantes pour l'apport vasculaire, nerveux et nutritionnel des muqueuses nasales.
Ces lésions influenceraient l'innervation du V3 (V2) via le ganglion cervical supérieur et le plexus carotidien jusqu'au ganglion sphéno-palatin et perturberait probablement l'équilibre des muqueuses.
A travers l'étude de ce projet, nous avons soulevé plusieurs réflexions grâce à nos différentes recherches et à l'élaboration de notre protocole expérimental.
Dans un premier temps, nous avons pu constater que les allergies étaient en constante progression dans la plupart des pays industrialisés.
La prédisposition génétique, la fumée du tabac, le mode de vie occidental, l'environnement (pollution de l'air) et le stress ayant une part importante de responsabilité dans l'accroissement des différentes allergies.
Il s'agit d'un problème de santé public mais pas seulement, un véritable problème de société préoccupant auquel il faut s'atteler sans compter.
Sachant que l'allergie est une réponse inappropriée du système immunitaire, l'une des notions clés à prendre en compte dans le processus allergique est que le système immunitaire possède en lui à l'origine les facultés nécessaires pour lutter contre les agressions environnantes.
De ce fait, ce dernier réagit de moins en moins spontanément face à toutes ces attaques auxquelles il est constamment exposé.
Le système immunitaire est de plus en plus vulnérable ; il est donc aujourd'hui crucial de comprendre en profondeur les mécanismes de défenses immunitaires afin de remédier à toutes ces allergies qui nuisent considérablement à une grande partie de la population.
D'autre part, nous comprenons évidemment que le complexe structure-fonction doit rester dans son état d'équilibre puisque le moindre blocage mécanique peut donner une mauvaise information au système nerveux central qui s'emballera alors et transmettra de manière disproportionnée la réponse à l'agression.
Par ailleurs, l'ostéopathe a lui aussi besoin du professionnel de santé afin de remédier aux problèmes des patients.
Une décision médicale doit se prendre de manière collégiale.
Il est à noter que les ostéopathes accusent d'un déficit d'image dans la profession médicale, faute de connaissances sur ce métier.
Il reste donc un vrai travail de communication à réaliser afin de faire prendre conscience de l'importance de travailler avec tous les professionnels de santé, main dans la main, dans un seul but, la guérison du patient dans les meilleures conditions possibles.
A noter que de par son approche thérapeutique, l'ostéopathe représente un maillon important de la chaîne médicale puisqu'il agit à la fois en amont et en aval de la pathologie.
Pour conclure, comme nous l'avons mis en exergue dans notre étude, il est fondamental de travailler sur les zones mises en cause dans ces intolérances dans le but d'aider le corps à répondre contre ces attaques extérieures afin de rétablir l'équilibre de la santé et au final donner de l'espoir à toutes ces personnes qui souffrent au quotidien.
Bien entendu, le fruit de ce travail n'est pas une recette qu'un ostéopathe peut appliquer au patient ayant cette pathologie.
Nous avons par ailleurs volontairement occulté certaines zones anatomiques qu'il est indispensable d'investiguer dans le cadre d'un traitement ostéopathique complet.
Il existe également un point qu'il aurait été intéressant d'aborder ; le côté psychologique des rhinites allergiques.
En effet, de la même façon que ces patients ont une hypersensibilité biologique, ils manifestent également une hypersensibilité affective.
Nous voyons par là que seul, le soignant n'est pas celui qui guérit, mais celui qui aide un malade, donc une personne à retrouver elle-même son propre équilibre.
Dire que nous guérissons des malades est une erreur, au mieux, nous guérissons des maladies.
Car nul ne guérit personne, seul le malade se rétablit.